Par Laure/Laure-Marie Stasi, unique Présidente de l'Association de loi 1901 créée par moi en 2014 à la Préfecture de N. ; Bureau en cours de refonte depuis le décès de Mme ma mère Jo. Stasi-Genevois et le départ des autres membres comme VVT , slaure
Prologue: Témoignage sur la diplomatie à l'hôtel de Béhague-Béarn (page 1)
Un jour d’avril 1998, l’attachée à la culture de l’ambassade de Roumanie en France – l’hôtel de Béhague-Béarn sis au 123 rue Saint-Dominique à Paris – poussa deux portes dorées au bout d’un long couloir étroit, également doré et décoré d’ogives, puis elle s’effaça pour nous laisser pénétrer. J’étais avec l’équipe scientifique de la section sculpture du musée d’Orsay où j’avais eu la chance d’être engagée pour plusieurs mois et nous venions de traverser les salles de réception de l’hôtel. Le décor y est remarquable, les salles plus somptueuses les unes que les autres avec leurs marbres colorés, leurs lambris dorés et de magnifiques exemples de la peinture du XVIIIe siècle comme un grand tableau François Boucher (1703 – 1770) soutenant la comparaison avec ceux du musée du Louvre. Il s’agit d’un fameux tableau de la jeunesse de Boucher qu’on a pensé perdu mais "La naissance de Vénus" était connu dans ce lieu par des témoignages de mémorialistes. Il a fait l’objet d’une étude en 1994 grâce à la Glasnost. J’ai découvert que cette œuvre fut achetée par Martine de Béhague aux environs de 1902 – 1904 auprès des descendants de Madame Tussaud qui l’avait acquise vers 1848 et exposée dans son célèbre musée de cires londonien et reproduit au catalogue. Pour admirer le Boucher, on passe immanquablement devant quatre toiles par Francesco Giuseppe Casanova (1727 – 1805), le frère peintre de l’écrivain et aventurier, que j’ai eu la chance d’attribuer en 2000. Le bâtiment construit par Destailleur est un remarquable exemple de l’architecture de ce temps. Il s’agit d’une merveilleuse réalisation artistique mais ce corridor à la décoration à part suscitait ma curiosité, insatiable. Je ne savais pas exactement où il menait bien que je dirigeais la visite après avoir invitée un guide qui désirait m’entendre. Sans avoir eu ce rendez-vous inespéré qui m’était offert gracieusement grâce à quelques amis bien placés que je remercie encore – dont le professeur en chaire à La Sorbonne et Vice Président de la Fondation de Broglie, Michel Cazin, qui m’a aidée amicalement et conseillée de 1997 à son décès en août 2003 – je n’aurais pas pu pénétrer dans le bâtiment et le visiter en sa totalité. Je savais qu’il avait été le terrain d’expérimentation artistique de Martine de Béhague, comtesse René de Béarn (1870 – 1939) selon les lettres échangées entre le sculpteur symboliste Jean Dampt (1854 – 1945) et la comtesse. Les missives avaient été oubliées durant cinquante ans dans l’atelier du sculpteur mort assez mystérieusement dans la misère en 1945. Les murs de son atelier rue Campagne-Première que j’avais eu la bonne fortune de retrouver avaient été vendus. Les nouveaux propriétaires, sans rapport avec la famille de Dampt qui fut sans aucun doute spoliée, étaient entrés en possession d’un portrait peint de Diane de Cid, l’épouse de Dampt (marché de l’art), par Aman-Jean (1858 – 1936). Un portrait de Dampt du même et aujourd’hui conservé au musée du Petit Palais à Paris provenant de l’atelier parisien était réapparu mystérieusement mais sans qu’il y ait un rapport direct avec les nouveaux propriétaires du lieu ou la famille. Tout ce qui avait fait le quotidien de l’artiste était également resté. L’ensemble, qui comprenait ses outils mais aussi de beaux objets comme des meubles, une cheminée sculptée et des œuvres en plâtre ou en cire (la maquette des anges du clocher du Sacré-Cœur par Dampt (collection M. que nous remercions), avait été déménagé dans une maison du XIIIe arrondissement parisien par les nouveaux propriétaires conquis par la qualité des œuvres même si l’origine de cet atelier leur était incom- préhensible. Un petit chiffonnier est entré par notre entremise bénévole au musée d’Orsay ! Il est exposé. Les lettres avec la comtesse menaient à l’hôtel de Béhague-Béarn. L’édifice avait été vendu au roi Carol II de Roumanie (1893 – 1953) à la mort de la comtesse en janvier 1939. Carol II n’avait pas acheté l’hôtel particulier, entre cour et jardin comme il se doit, pour lui-même et ses nombreuses maîtresses dit-on, mais pour installer son ambassade. La presse roumaine dit pourtant avec humour qu’on a finalement trouvé en 2011 une paire de skis du roi Carol II ! Auparavant, en 2001, la bibliothèque moderne du roi avait été retrouvée sous l’escalier de marbre dans des toilettes par le chargé d’affaires Cornel Alecse ! Le premier ambassadeur fut Georg Tatarescu mais le roi de Roumanie fut destitué quelques mois plus tard en 1940. L’hôtel de Béhague-Béarn fut alors fermé pour des décennies à cause des bouleversements politiques du pays.
Dans l’hôtel, nous entrâmes dans une salle immense et sombre dont le volume pseudo-cubique de - selon l'architecte en chef Mouton.. - 13, 14 et 12 mètres était impossible à déceler tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’hôtel particulier. Nous nous étions tus, pris par surprise par la magie du lieu abandonné à lui-même. Un arc en plein cintre et une grande scène de plus de 10 mètres d’ouverture – plus importante que celle de l’Opéra-Comique – se trouvaient à notre gauche. Nous étions dans une salle de spectacle. En 1900 et 1903, elle alla jusqu’à à accueillir 600 spectateurs ! Des mosaïques imitant les cosmates italiens, composés de porphyre et à fond d’or, brillaient ça et là entre les rangées de colonnes. Quelques parements géométriques de marbres colorés étaient encastrés dans les murs dorés à la feuille et qui miroitaient faiblement. Le sol était dallé de larges pierres. Des colonnes de porphyre et de marbre s’alignaient pour former deux bas-côtés comme dans une église. Soudainement des flashs crépitèrent. C’était A. Pingeot, mon ennemie intime selon elle, en retraite depuis longtemps, qui mitraillait l’endroit avec son appareil photographique qui ne la quittait jamais ! Cette salle, était le « rêve » de la comtesse Martine qu’elle souhaitait devenir « une réalité » en 1897 mais il était difficile de l’apprécier car l’époque communiste et surtout le régime odieux de Ceaucescu avaient détruit en partie l’endroit en faisant de la décadente « Salle byzantine », telle qu’on la nommait en 1900, un cinéma à la gloire de l’État fantoche! Le lieu était fermé depuis l’époque communiste et post révolutionnaire. Auparavant, le personnel de l’Ambassade le prétendait détruit selon une conservatrice lorsqu’il n’était pas purement et simplement tombé dans l’oubli. Un maigre dossier d’inscription de l’hôtel et son jardin à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques du 27 juillet 1992 établi par la Direction Régionale des Affaires Culturelles n’avait suscité l’attention de personne même si une copie existe à la documentation du musée parisien! L’orgue et la conque scénique, que nous avons, identifiés y étaient ignorés par exemple. L’or des murs était encore caché par de grands panneaux plastifiés. C’était la salle du parti et du cinéma de propagande de l’ambassade communiste. En 1992, seul le volume et les colonnes de marbre avaient été inventoriés... hélas, sans suite! Nous avons redécouvert cette immense salle alors qu’il servait de débarras pour des poutres, des sièges de voitures, de vieux matelas, des boites de conserves, des cendriers et des bouteilles d’alcool etc. Avant de sortir, les conservatrices A. Pingeot et E. Héran me demandèrent de m’occuper de lancer la restauration une fois mon contrat terminé mais avec leur « plein appui ». Il fallait l’arracher à l’ignorance et à l’abandon de tous. Ce qui est presque fait... Chacun, Roumain ou Français, est à présent d’accord pour restaurer la Salle byzantine de l’hôtel qui n’était pas admiré comme aujourd’hui par les services diplomatiques qui ne voyaient alors dans l’hôtel qu’un « embarras » de plus et refusait toute consigne à son égard malgré les demandes réitérées des ambassadeurs et chargé d’affaires faisant l’intérim affirme une source diplomatique ! Les choses sont bien différentes aujourd’hui et l’hôtel a même été rebaptisé « Palais de Béhague ». Il reste pourtant à recueillir les cinq premiers millions d’euros pour la restauration à laquelle s’ajoute sans doute celle du toit très endommagé depuis la tempête de 1999 comme me le confirma l’excellent architecte assistant et chef du chantier d’étude, Duplat en 2003. Le devis n’est pas encore fait. Les fuites d’eau existaient (actuellement ?) pourtant bel et bien comme par exemple sur une toile de Casanova (les écoulements ont cessé quelques mois plus tard sans raison probante mais la toile est très abîmée par endroits) ou dansles appartements aux précieuses boiseries ainsi que l’Ambassadeur Gherman s’en plaignait souvent bien que nous n’avons pas vu d’infiltration dans les appartements privés de l’Ambassadeur décorés de très belles boiseries Louis XVI et que nous avons été la seule à pouvoir visiter avant son arrivée! (...)